Les sentiments (Noémie Lvovsky) [14]

 

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Je ne sais pas pourquoi j'ai été saisie par la beauté de ce film. En sortant de la salle de cinéma, j'avais la gorge serrée et je ne pensais qu'à une chose : le revoir, le plus vite possible. Malheureusement, j'avais remis la séance à plusieurs reprises et je venais d'assister à la dernière. Mais je me rappelle encore cette sensation de presque manqué, l'envie d'entrer encore une fois dans le temps de ces personnages, de partager leurs amours, leurs douleurs.


Certaines phrases, certaines scènes, inoubliables. Jean-Pierre Bacri qui prend dans ses bras une Isabelle Carré rayonnante, et lui déclare qu'il va lui faire l'amour, parce qu'il est vieux, mais qu'il est fort. Son geste à elle, la première fois qu'elle touche son visage, pour le soigner d'une petite blessure, avant de se pencher sur lui et de l'embrasser. Le silence stupéfiant qui suit, comme à chaque fois que s'amorcent les grands virages de la vie. La douleur hystérique de Nathalie Baye : un repas conjugal qui se transforme en chemin de croix et en purgatoire des rancoeurs. Puis une jeune épouse va supplier un mari blessé au plus profond de lui, vibrant de colère ; il pourrait la frapper, la tuer, tant il l'aime et tant il a mal de l'innocence qu'il vient de perdre. Et l'amant enfin, qui ne comprend plus rien quand la porte se referme sur sa propre tragédie.


Peut-être que la force du film de Noémie Lvovsky dort dans son titre. Tous ces gens sont menteurs et mentis, traîtres et trahis, agresseurs et agressés. Mais le quatuor, dans le mirage trompeur des repas d'été, quand l'air est tiède et le parfum de l'herbe entêtant, s'aime trop fort, s'aime vraiment. À partir de là, on sait que l’accident n’a plus aucune chance d'être évité.


© Hélène Gestern / Editions Arléa - 2012